[EN BALADO] Un tueur repenti après 23 ans de prison aurait aidé la police à déjouer un contrat de meurtre

morly
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Un tueur repenti qui a passé 23 ans derrière les barreaux a récemment dénoncé à la police une Montréalaise qui l’a approché pour qu’il exécute un contrat de meurtre sur sa sœur. Une histoire digne d’un scénario de film qui le replonge dans les nombreuses étapes de sa réhabilitation.

Patrick n’oubliera jamais le jeune commis d’une station-service qu’il a abattu de plusieurs balles dans un hold-up qui a mal viré, en avril 1996.

«Lui, il ne peut pas être là. Il ne peut pas faire ce que je peux faire aujourd’hui. Il ne peut pas être cajolé par ses proches. Être supporté par tout le monde», dit-il d’emblée.

Installé sur une petite chaise adossée à la fenêtre pour ce long entretien avec Le Journal, le colosse de 51 ans assure qu’il aurait préféré témoigner à visage découvert et faire «face à la musique».

Mais il veut protéger ses proches, qui connaissent son lourd passé, dont sa conjointe, sa fille, de même que ses beaux-enfants.

Patrick insiste; il est «privilégié d’être ici», d’être libre comme l’air.

«Le travail [de réhabilitation] n’est pas fini. Le travail ne sera jamais fini, parce que je vis avec moi-même», souffle-t-il.





Patrick pendant sa rencontre avec Le Journal.


Photo Agence QMI, JOËL LEMAY

Contrat de meurtre

Patrick jongle toujours avec plusieurs emplois depuis sa libération totale en 2018. Son long processus de réhabilitation demeure parsemé d’embûches.

Mais il n’aurait jamais pu prévoir l’histoire rocambolesque qui l’a amené à alerter les autorités.

À l’automne dernier, Marisa Cardazzi, une connaissance qu’il a côtoyée pendant quelques années, l’aurait approché pour lui offrir un contrat: assassiner sa sœur.

La femme de 61 ans savait que Patrick avait passé près d’un quart de siècle en taule pour un meurtre, sans pour autant en connaître les circonstances.

Selon nos sources, elle aurait déposé une enveloppe dans sa boîte aux lettres pour le convaincre d’accepter l’offre. Mais Patrick ne voulait rien savoir et il l’aurait jetée sans même l’ouvrir.

Marisa Cardazzi, qui souffrirait de problèmes de santé mentale, désirait vraiment mettre son plan à exécution, a conclu Patrick. C’est ce qui l’a convaincu de faire sa bonne action.

«Du moment que j’ai mis les pieds dans le poste de police, je savais très bien où on s’en allait, dit-il. Je suis propolice. J’ai été dans l’armée, je sais qu’il faut une force de paix n’importe où.»





La femme qui a proposé un contrat de meurtre à Patrick a été arrêtée après avoir été piégée par un agent d’infiltration rencontré dans le stationnement de Gibeau Orange Julep, sur le boulevard Décarie, à Montréal.


Photo Laurent Lavoie

La suspecte, motivée, a plus tard rencontré un autre candidat intéressé à faire la sale besogne dans le stationnement du Gibeau Orange Julep, à Montréal.

Il s’agissait toutefois d’un agent d’infiltration. On l’a alors accusée d’avoir «conseillé» de commettre un meurtre.

Sa conjointe l’a dénoncé

Patrick a senti qu’il avait une «très grande responsabilité» d’aller voir la police.

Il s’était surtout juré de ne plus jamais faire de victime après cette nuit sanglante d’avril 1996. Une époque où le meurtrier était guidé par une grande soif d’adrénaline.

Lui et quatre autres complices avaient d’abord prévu de s’emparer du coffre-fort d’un éleveur de poulets, peut-on lire dans les archives du Journal de l’époque.





Le meurtre perpétré par Patrick en avril 1996 a été largement couvert par Le Journal.


Photo d’archives, Journal de Montréal

Les bandits ont toutefois abandonné l’opération, comme elle s’annonçait trop risquée, et ont plutôt visé une station-service à L’Assomption.

Après avoir fait irruption dans l’établissement, Patrick tenait en joue le commis derrière la caisse.

Selon ce qui a été avancé à l’époque, un premier coup de feu a été accidentellement tiré.





À l’époque, Le Journal avait diffusé des images de caméras de surveillance où l’on apercevait un des suspects.


Photo d’archives, Journal de Montréal

Quatre autres tirs ont ensuite achevé le pauvre garçon de 20 ans.

Encore aujourd’hui, Patrick dit être dans le brouillard face à cet événement.

«La seule chose [dont je me souviens], c’est les douilles qui tombent par terre. Je n’entends même pas les coups de feu que je tire.»





À l’époque, Le Journal avait diffusé des images de caméras de surveillance où l’on apercevait un client qui avait été malmené par les suspects.


Photo d’archives, Journal de Montréal

Le meurtrier a été pincé six jours plus tard grâce… à sa conjointe de l’époque, la mère de sa fille, qui l’a dénoncé.

«C’est le geste qu’elle devait faire pour me stopper», lance l’ex-détenu.

Devenir un animal, ou pas

En attente de son procès, il a continué de faire des ravages. Il a été impliqué dans la prise d’otage d’un agent correctionnel, qui s’est conclue sans mort ni blessure.

Le premier déclic de Patrick est survenu deux ans plus tard. C’était un samedi matin. Son procès tirait à sa fin; le jury s’était entendu sur un verdict. En salle d’audience, il «ne bouge pas». Il est «froid».

Puis son sort a été scellé: il a été reconnu coupable d’une foule d’accusations, dont la pire, meurtre au second degré, lui a valu une peine d’emprisonnement à vie.





Patrick a purgé 23 ans de prison pour le meurtre d’un commis dans une station-service de L’Assomption, en avril 1996. L’affaire avait été largement couverte par «Le Journal», à l’époque.


Photo d’archives, Journal de Montréal

«À partir de là, j’ai deux choix. C’est soit que je comprends pourquoi je suis là, soit que je deviens un animal.»

Derrière les barreaux, Patrick a mis les bouchées doubles pour retrouver le droit chemin. Il s’est intéressé à la méditation, au contrôle de sa respiration et au bouddhisme. Il s’est même penché sur la culture autochtone pour participer à des «cercles de partage».

«Oui, je vais faire une vingtaine d’années [ici]. Mais je vais ressortir, pis je ne reviendrai pas», se répétait-il en détention.

Au pénitencier de Donnacona, le meurtrier a travaillé aux côtés d’une bibliothécaire, qui l’a introduit à la justice réparatrice, un processus où un délinquant reconnait ses torts ainsi que leur portée.

Après une dizaine d’années de prison, la sœur du jeune homme qu’il a tué a demandé à le rencontrer.

«Ça a été… très déstabilisant, parce que là, tu fais face à la réalité», concède-t-il, après un moment à chercher ses mots.





Patrick pendant sa rencontre avec Le Journal.


Photo Agence QMI, JOËL LEMAY

Patrick a alors compris qu’il avait fait le bon choix en refusant de devenir un «animal» pour être «une bonne personne, d’être là réellement pour les autres, d’avoir de la compassion».

La sœur du jeune commis a plus tard envoyé une lettre à la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC). 

«J’en ai des frissons encore», nous dit Patrick, en regardant son poignet.

Elle disait ne pas vouloir lui nuire. Elle ne voulait pas l’empêcher d’être libéré. Elle voulait plutôt s’assurer qu’il allait réellement tout faire pour «se réinsérer en société» et toujours «avoir une pensée» pour le défunt.

À en croire une récente décision de la CLCC, c’est mission accomplie.

«Votre équipe de gestion de cas (ÉGC) rapporte que votre fonctionnement général depuis votre sortie témoigne d’un individu engagé», peut-on lire.

En plus d’un «leadership positif» au travail, «vous partagez vos réflexions aisément avec votre ÉGC et faites preuve d’une introspection positive».

Pas d’autres victimes

Patrick est conscient qu’il sera à jamais sous le joug des services correctionnels puisque sa libération demeure conditionnelle.

Il est conscient que cette liberté «peut partir comme ça» s’il ne fait pas les bons choix. «Demain matin, je peux repartir en prison.»

«Moi, j’ai ma liberté aujourd’hui. La personne qui est décédée pendant mon acte criminel, elle n’aura jamais cette possibilité-là.»

Ainsi, il n’était pas question de commettre la même erreur qu’en avril 1996. C’est à ça qu’il a pensé quand Marisa Cardazzi l’aurait incité à tuer à nouveau.

Premièrement, il fallait ne pas «faire de victime». Deuxièmement, c’était pour «aider» Marisa, dit-il, et lui éviter de devoir vivre avec les conséquences d’un tel crime.

«Elle a besoin d’un suivi, d’une aide en santé mentale. Elle n’a pas besoin de prison.»

Marisa Cardazzi, qui est défendue par Me Michael Morena, a été libérée par le tribunal dans les dernières semaines dans l’attente de son procès. Elle revient en cour en octobre.

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